LES PRE-SOCRATIQUES : Les Ioniens (VI siècle avant Jésus Christ)
Désirant avant tout concentrer leurs
efforts et éviter de se répandre en considérations vaseuses sur mille
sujets différents, les Ioniens ont rapidement décidé de se focaliser
sur une seule et unique question : de quelle matière sont faites les
choses ?
Les débats au cours des réunions de travail étaient le plus souvent
enfiévrés, car, comme on l’imagine, chacun avait sa petite idée sur la
question. Thalès soutenait pour sa part que peu importait la matière
dès lors qu’elle affichait ses 11°5. Anaximène, qui ne supportait plus
Thalès depuis une sombre histoire de toge tâchée par un morceau de
viande en sauce, éprouvait un malin plaisir à le contredire
systématiquement. Aussi affirmait-il –sans en être parfaitement
convaincu lui-même – qu’un liquide ne saurait en aucun cas s’apparenter
à de la matière dans la mesure où il ne poussait pas de cri lorsqu’on
plantait un couteau dedans. Des années plus tard il finit par avouer
que, aveuglé par sa rancœur, il avait confondu avec le cochon.
Mais nous ne pouvons évoquer les Ioniens sans parler d’Héraclite,
figure de proue du mouvement. Héraclite, après des années
principalement consacrées à la réflexion, arriva à la conclusion
suivante : tout change. Une fois son propos formalisé, il éprouva une
grande satisfaction en réalisant qu’il tenait là de quoi bâtir toute
une carrière. En effet, il était objectivement très difficile de le
contredire : après la vie venait la mort, après la nuit venait le jour,
après la pluie le beau temps. Notre homme tenait ainsi à la disposition
des curieux quantité d’exemples du même acabit qui, pensait-il, lui
permettrait d’accéder sans problème à la postérité. Il dut cependant
déchanter en constatant qu’après quelques années, son auditoire se
limitait toujours à un vieillard qui passait son temps à lui jeter des
petits cailloux tout en ricanant méchamment, et un chien galeux et
borgne dont le comportement laissait à penser qu’il était somme toute
assez peu concerné par le problème.
Il décida alors
d’appâter le public en enrichissant son discours d’une toute nouvelle
question : « Comment y a-t-il à la fois dans le monde de la
multiplicité et de l’unité, du changement et du stable ». Le succès ne
fut hélas pas au rendez-vous : le chien se mit à hurler à la mort
tandis que le vieillard remplaçait promptement les gravillons par des
morceaux de rocher d’une dizaine de kilos. Profondément blessé dans son
amour propre (mais aussi par les projectiles) Héraclite, après une
formation accélérée de trois jours, se reconvertit dans la vente
d’assurance-vie au porte-à-porte.
La philosophie mène à tout.